Quand l’expérience vécue alimente la recherche : le rôle des écoles dans la lutte contre l’itinérance chez les jeunes

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Tandis que d’autres adolescents d’Ottawa se soucient de leurs résultats scolaires en s’endormant dans leur lit douillet, Charlotte et Bailey, eux, passaient leurs journées à essayer de trouver un endroit où passer la nuit.

« J’ai habité plusieurs endroits, allant de cours arrière à des escaliers, dit Bailey, qui s’est retrouvée à la rue après avoir quitté le foyer à 16 ans pour fuir une situation familiale malsaine. L’aspect le plus difficile, c’est de ne pas savoir où tu iras le lendemain. Tu vis au jour le jour. »

Alors qu’il était aux prises avec des troubles de toxicomanie et de santé mentale, Bailey avoue qu’il se sentait seul, malheureux et vide. Il ajoute qu’il en savait très peu sur les ressources locales disponibles pour l’aider, ce qui a rendu sa vie dans les rues très difficile.

Bailey n’est qu’un jeune parmi les centaines d’autres à Ottawa qui a dû faire face aux enjeux liés à l’itinérance. À l’âge de 15 ans, Charlotte s’est fait mettre à la porte par ses parents et s’est rapidement retrouvée sans logis.

« Ça été un gros choc pour moi parce que je ne savais pas que ça pouvait réellement arriver à une jeune personne. Je me sentais complètement seule et je ne savais pas à qui m’adresser pour obtenir de l’aide, dit-elle. Un jour, assise dans une cellule en prison, j’ai réalisé que j’allais probablement mourir… je n’avais plus aucun espoir. »

L’histoire de Charlotte et de Bailey est semblable à celles de plusieurs autres jeunes de notre région. Plus de 800 jeunes d’Ottawa ont eu recours à des refuges d’urgence en 2017, selon le rapport d’étape annuel d’Alliance to End Homelessness Ottawa. De plus, un rapport publié par Vers un chez-soi Ottawa souligne qu’au moins 60 pour cent des raisons pour lesquelles les jeunes doivent quitter le foyer sont liées à la violence.

Sans intervention précoce, la recherche montre que les jeunes peuvent s’enliser dans une vie d’itinérance en moins de deux mois. Bien que la rue soit la dure réalité de bien des jeunes à Ottawa, Charlotte et Bailey ont eu la chance de pouvoir finalement trouver un emploi, du soutien et un logement.

« Je suis assez satisfaite d’être là où j’en suis dans ma vie, affirme Bailey, qui a décroché un emploi à temps plein. J’arrive de loin, j’ai fait beaucoup de chemin. »

Charlotte, maintenant étudiante à la maîtrise à l’université Carleton, a acquis de l’expérience en tant que pair chercheuse. À la suite d’entrevues avec de jeunes sans-abris, elle s’est rendu compte que ces derniers mentionnaient continuellement le rôle des écoles et des enseignants quand ils évoquaient leur expérience d’itinérance, et cette constatation a inspiré les recherches qu’elle mène à l’heure actuelle.

Ses recherches, appuyées par Centraide de l’Est de l’Ontario dans le cadre d’un partenariat continu avec Mitacs Canada, portent sur les expériences scolaires des jeunes d’Ottawa. L’objectif de ces recherches est d’évaluer dans quelle mesure le personnel des écoles locales intervient auprès des jeunes susceptibles de vivre l’itinérance et de trouver des manières pour aider à prévenir l’itinérance et à intervenir avec succès.

« Jacqueline Kennelly, Ph. D. m’a donné la chance de devenir une chercheuse pair, affirme Charlotte. Avant elle, je ne savais pas où je m’en allais – j’étais une simple étudiante en voie d’obtenir un baccalauréat qui me mènerait Dieu sait où. Au courant de ma troisième année, elle m’a donné la chance d’envisager un avenir où je pourrais aider les gens que j’ai laissés derrière moi, dans les rues, ou en empêcher d’autres de se rendre là. Je lui dois beaucoup à Jackie, et toutes ces recherches avec Mitacs ne seraient pas possible sans son expertise et son dévouement. »

Bailey a été embauché comme conseiller dans le cadre de ce projet. Il travaille avec Charlotte et une équipe de cinq personnes qui ont vécu des expériences d’itinérance ou qui sont sans-abri à l’heure actuelle. 

Le groupe fournit régulièrement de la rétroaction sur les résultats des recherches et organise des ateliers pour les étudiants visant à renseigner les jeunes et les enseignants sur l’itinérance. Le projet permet également à ceux qui ont vécu des expériences d’itinérance, ou qui en vivent à l’heure actuelle, de se réunir dans un contexte qui autrement n’aurait sans doute pas été possible.

« Ensemble, nous nous donnons de l’espoir et nous travaillons pour accomplir quelque chose de positif, pour une fois. En temps normal, on se rencontre dans des refuges ou dans de mauvaises situations. Ce projet est vraiment une belle occasion de tous nous réunir et de garder espoir pour nos amis qui luttent encore avec l’itinérance. »

 « Ce travail de recherche est important, ajoute-t-elle, parce qu’on ne parle pas assez de l’itinérance dans les écoles ». En ayant plus de discussions sur l’itinérance chez les jeunes dans un contexte comme celui-ci, Charlotte affirme qu’on pourrait aider à éliminer la stigmatisation, à fournir des renseignements sur les signes et avec un peu de chance, à prévenir ou intervenir en faveur des jeunes avant que leur situation ne s’aggrave.

 « Les jeunes ne savent pas que c’est possible jusqu’à ce qu’ils le vivent eux-mêmes, dit-elle, et quand ça leur arrive, ils ne savent pas quoi faire. »

Bailey affirme qu’il croit également qu’on ne parle pas assez de l’itinérance chez les jeunes dans les écoles et il espère qu’en partageant ses expériences, il aidera d’autres jeunes qui vivent des situations semblables.

« Si nous pouvons prévenir l’itinérance chez les jeunes, alors de très grandes choses peuvent se produire dans ce monde », dit-il en ajoutant qu’il projette de devenir un travailleur de soutien aux jeunes.

Allant de l’avant, Charlotte affirme qu’une des choses qu’elle souhaiterait que les gens sachent à propos de l’itinérance chez les jeunes est que tous les jeunes à qui elle a parlé veulent finir l’école et ils ont tous des espoirs et des rêves.

« Je veux que les gens reçoivent l’aide dont ils ont besoin… je veux qu’ils réussissent. Chaque personne a sa place dans ce monde. »

 « Chaque jour, ils essaient de survivre et ils gardent tous confiance en leur avenir, dit-elle. Je pense qu’en tant que communauté, nous avons la responsabilité de ne pas laisser mourir cet espoir — de le garder en vie et de les aider à réussir et à atteindre leurs objectifs. »

Selon Charlotte, le fait de travailler avec l’équipe de conseillers pour les jeunes à Centraide de l’Est de l’Ontario est l’un des aspects les plus gratifiants de la recherche. Cela montre que lorsqu’une communauté s’unit pour mettre fin à l’itinérance, un meilleur avenir devient possible.

« [Le partenariat] montre immédiatement les retombées de la recherche et du financement, dit-elle. On fait déjà une différence. »

Centraide croit qu’il est essentiel d’aller à la source du problème et de créer des solutions à long terme pour mettre fin à l’itinérance chez les jeunes — une mission essentielle qui a le pouvoir non seulement de sauver des vies, mais aussi de fermer la porte à l’itinérance chronique chez les adultes.

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